L' ENSEIGNEMENT à LARRA.
Depuis la fondation de l'Abbaye de Grand-Selve en 1114, puis
la création de la bastide de Grenade-sur-Garonne en 1290, l'ensemble de notre
territoire aura été rapidement sous l'influence des moines.
En effet, ceux-ci bénéficièrent de
nombreuses donations territoriales de la part des propriétaires d'alors en
échange de "protection spirituelle" ou parfois même contre
l'apprentissage d'un métier tel ce Jean Guillelma qui en 1165 donne ses terres
de Vieilles-Aygues (Grenade-sur-Garonne) en échange d'une formation de
cordonnier.
Pour exploiter et à la fois défendre ce
vaste territoire acquis, les moines outre la construction de la bastide de
Grenade-sur-Garonne, vont installer de nombreuses "granges". Avec eux,
ces moines apportèrent une certaine érudition qui permit de transmettre de
génération en génération diverses connaissances : techniques
architecturales, techniques d'élevage, de cultures et de transformation de
produits.
Il ne manquèrent pas de prodiguer, outre
l'enseignement religieux, une culture générale dont bénéficièrent
certainement les populations locales. Cependant, les premières véritables
écoles de Grenade-sur-Garonne connues grâce à des documents, ont existé en
1586. Deux écoles, primaire et secondaire, dispensaient un enseignement grâce
à des "régents" ou "Mestres écrivains" à ceux qui
avaient la chance de pouvoir payer leurs études. Les anciens registres de la
ville montrent que ces écoles connaîtront de grandes difficultés pour exister
et fonctionner correctement faute de moyens financiers.
Vers la fin du 19ème siècle,
selon les convictions ou les moyens de leurs parents, les enfants iront dans les
écoles "publiques" qui en 1881 par décret deviendront enfin
"entièrement gratuites", puis en 1882 seront "obligatoires"
et enfin "laïques", grâce aux lois de Jules Ferry, ou bien suivront
leur scolarité dans diverses écoles "privées" ou
"congréganistes" dans lesquelles, l'enseignements est dispensé par
des religieux.
A Larra, la première école de la section
sera créée dès 1839.
Il s'agissait d'une école
"publique" dont les cours auront lieu dans des maisons particulières
louées à cet effet. Ainsi, vers 1860, Raymond "Toussaint" Fayet,
allait à l'école à la maison Fédélé d'Emmenot (près du lavoir), et celle
qui allait devenir sa femme allait à l'école dans une maison du hameau de
Ricancelle.
Leur fille, plus tard, ira à la nouvelle
école "Laïque" qui sera construite en 1880 à Emmenot et qui à
l'heure actuelle fait usage de Mairie. Cette école avec une seule salle de
classe et logement pour l'instituteur sera utilisée jusqu'en 1956.
En 1872, avant la construction de celle-ci
alors que l'on louait des maisons particulières, la municipalité de
Grenade-sur-Garonne équipa cette classe provisoire et meubla le logement de
l'instituteur. Ainsi, l'école "mixte" et publique de la section de
Larra bénéficie du soutien unanime du Conseil.
On accorde même la gratuité à une vingtaine
d'enfants dont les parents n'ont pas les moyens de payer. En 1874, la maison Lacroix qui sert d'école
est en vente et le Conseil décide de prendre des mesures pour l'acheter.
Cependant certains d'entre eux ayant émis l'idée de construire un bâtiment
qui comprendrait l'école et le logement de l'instituteur, on désigna une
commission pour étudier la meilleure solution.
Le 13 Septembre 1874 la commission rend son
rapport "il n'existe à Larra aucune maison à
vendre ! Une seule était à louer, la maison Baron mais les locaux sont trop
exigus et les exigences du propriétaire trop exagérées. En conséquence, on
propose la construction d'une maison d'école sur le terrain vague qui se trouve
en face de l'église et qui est communal".
Ces conclusions seront adoptées par une
majorité des membres du Conseil, mais des objections apparaissaient. En effet, on apprit que Mademoiselle de
Vaillac résidant au château de Larra allait ouvrir une école congréganiste
pour les filles dès la fin de 1874 et que les élèves bénéficieraient de
l'enseignement gratuit.
D'autre part, elle aurait pour projet d'ouvrir
une autre école congréganiste pour les garçons. Dans ces conditions, certains
s'interrogeaient sur l'utilité de construire l'école communale.
En 1875, les filles de la section étaient
scolarisées dans l'école congréganiste faisant par le fait perdre la
"mixité" de l'école publique.
La majorité du Conseil ayant opté pour la
construction, on avait obtenu les plans, devis, état estimatif et cahier des
charges dressé par M. Raynaud architecte de Toulouse qui prévoyait une
dépense de 9 687,16 francs.
La construction fut décidée pour Mars 1875.
Dès que les affiches pour l'adjudication des travaux furent apposées,
Mademoiselle de Vaillac réagit promptement afin d'empêcher cette réalisation.
Par un courrier adressé au Maire, elle assure qu'elle va fonder une école
libre et gratuite pour les garçons sans demander aucune subvention de la
commune.
D'autre part elle possède un droit-indivis
sur le patus où l'on a bâti l'église et où l'on projette de construire
l'école communale et usera de tous ses droits légaux pour s'opposer à la
construction ! Le Maire Auguste Barcouda, avait cependant pris la précaution de
demander à l'inspecteur de l'administration supérieure de l'instruction
publique s'il était possible de substituer des instituteurs congréganistes aux
instituteurs laïques déjà en fonction.
Un décret ministériel sera cité, stipulant
que cela était impossible.
L'instituteur laïque nommé à Larra ne
pouvait être déplacé et on lui devait des locaux pour loger et enseigner !
Le Conseil confirma donc son intention de
construire l'école. Mademoiselle de Vaillac réagira aussitôt en proposant
d'acheter unemaison à Beillard pour ouvrir son école libre et gratuite pour
tous les garçons et qu'elle s'engageait à payer à perpétuité l'entretien
des locaux et le salaire des instituteurs.
D'autre part, par acte notarié elle fait don
de cette école au Conseil de Fabrique de Larra.
Face à tant d'insistance, M. le Maire
consultera le Préfet qui proposera une solution légale consistant à accepter
les dispositions de Mademoiselle de Vaillac à condition que les enseignants
congréganistes soient agréés par le ministère de l'instruction publique.
Tout le monde se réjouit de cette
possibilité et il fut aussitôt décidé d'abandonner le projet de construction
de l'école laïque à Larra.
L'école congréganiste pour les garçons
ouvrit ses portes en 1877 mais suite au décès de Mademoiselle de Vaillac on
s'aperçut qu'elle n'avait pas eu le temps d'obtenir l'approbation du Préfet
pour sa donation de son vivant et que l'acte était caduc, dépendant du bon
vouloir des héritiers.
On continuera tout de même à maintenir
l'instituteur laïque en louant une maison pour qu'il loge et enseigne.
En 1879, on s'aperçut que 26 élèves avaient
choisi l'école laïque contre 4 pour l'école congréganiste !
On prit acte de la sympathie des parents pour
l'enseignement laïque et M. Esquerré conseiller municipal relança l'idée de
construire l'école laïque "d'autant plus que le gouvernement Français a
l'intention de rendre l'école obligatoire et qu'il ne manquera pas d'attribuer
de fortes subventions pour les constructions qui s'imposeraient".
Au mois de mai, le Maire se rend en personne
à Larra et constate :
- La présence assidue de trente élèves à
l'école laïque tandis que celle des frères n'en compte que quatre
appartenant à la commune.
- Que la salle de l'école laïque est un
véritable "taudis" et que le logement de l'instituteur test
insuffisant et que l'un et l’autre contrastent avec l’établissement
grandiose des frères.
- Que M. Lamarque ne peut plus fournir le
logement de l'instituteur et que les maisons disponibles seraient trop chères
nécessitant de gros travaux de réparations. Dans un pareil état de choses,
comme notre devoir est de donner satisfaction aux désirs légitimes des
pères de familles de la section de Larra, aux préférences hautement
exprimées par eux en faveur de l'enseignement laïque, nous estimons qu'il y
a lieu de voter la construction d'une maison d'école à Larra.
Tout le dossier est prêt, il suffira
d'obtenir l'autorisation préfectorale en vue de l'adjudication des
travaux".
Enfin l'école laïque de Larra sera bâtie et
achevée en novembre 1880 après six années d'hésitations qui connurent les
grandes réformes de l'instruction : l'école publique gratuite, obligatoire et
laïque.
Mais même construite, son statut d'école
laïque sera contesté par le curé Lambic nouvellement nommé et il faudra une
mobilisation énergique de la population, des enseignants et de la municipalité
pour la défendre !
C'est à ce moment que M. Abadie l'instituteur
nous fait la description de l'école de Larra en 1885.
"Placée en face de l'église sur la rue
principale et le chemin de Thil, elle ne saurait être mieux placée. Le soleil
levant lui donne ses premiers rayons. Le logement des instituteurs composé de
cinq appartements, d'une petite cave et d'un galetas, n'est pas moins bien
conditionné.
Une petite cour où sont les lieux d'aisance
et un jardin contigu à la maison d'école, viennent combler l'agrément de
celle-ci.
Les besoins sont généralement satisfaits
dans une bonne mesure car la sympathie de la municipalité de
Grenade-sur-Garonne est acquise à cette école publique. L'école, privée de
préau couvert, devra en avoir un, pourvu de quelques agrès de gymnastique où
les enfants pourraient facilement développer leur corps. L'école est
généralement bien fréquentée.
Du reste, la population intelligente y trouve
plus de ressources qu'ailleurs, et les parents, qu'une dure pression ne
contraint pas à envoyer leurs enfants à l'école libre, sont, bien sûr, très
satisfaits des avantages que leur offre l'école publique ! La bibliothèque
fondée en 1883, due aux soins et à la générosité de M. le Ministre compte
23 volumes. Ces livres, pour la plupart très intéressants, occupent tellement
l'esprit de la population, que l'on est fort heureux de pouvoir les lire.
Mais, certains rayons restés vides, devraient
se remplir le plus tôt possible et procurer ainsi les moyens d'instruction à
ces personnes qui ne demandent qu'une chose : "s'instruire tout en se
récréant". On dirait qu'elles regrettent de ne pas être allées à cette
école où on leur donnait la nourriture de l'esprit, de l'âme ! Il serait à
désirer que la commune s'imposât quelques sacrifices pour la construction d'un
préau couvert et l'achat de quelques volumes pour la bibliothèque scolaire
sachons attendre, et tout se réalisera ! ".
On se souvient que la première cantine
rudimentaire de cette école sera installée dans la maison Gilard (à côté de
l'église) et c'est là que l'on réchauffait le repas des écoliers. Le 5 Août
1883, on creusera le puits de l'école qui sera équipé d'une pompe le 25 Mai
1884.
Cette année là, on fera l'acquisition de
soixante "fusils scolaires" pour compléter l'instruction militaire
des enfants de Grenade-sur-Garonne, Larra et SaintCaprais. Le mur qui entoure le
jardin de l'école sera bâti en 1889.
Les écoles congréganistes de Larra
C'est la famille Tournier-Vaillac qui prendra
l'initiative de mettre en place deux écoles congréganistes à Larra.
La première, à destination des filles sera
installée à Emmenot non loin de l'église.
On fera l'acquisition de l'ancienne maison de
Jean Loubon. Elle sera démolie pour construire une superbe bâtisse dans
laquelle on logera les soeurs de "la croix" de Colomiers.
Ce sont elles qui prendront en charge
l'enseignement des jeunes filles de Larra.
"L'école primaire privée de
filles", ouvrira ses portes le 29 Décembre 1874.
Les religieuses étaient au nombre de trois.
La première faisait la cuisine et on se souvient qu'elles mangeaient sans luxe
car leur soupe n'était pas "graisseuse" ! Cette anecdote est restée
dans les mémoires.
Les deux autres s'occupaient de
l'enseignement. Il y avait deux classes tenues par Jeanne Carassus (sueur Marie
Silicie) et Eugénie Salis (sueur Marie Ysénie). Une classe pour les plus
petites élèves et la classe des plus grandes tenue par la soeur la plus
instruite.
Elles étaient rétribuées par le château
qui leur versait un traitement de 105 francs par semestre.
Elles avaient obtenu de la paroisse
l'entretien des linges de l'église (nappes d'autel, etc ...), une tâche qui
leur permettait d'obtenir une petite rétribution du Conseil de Fabrique.
Elles avaient également pour tâche de
s'occuper des malades de la paroisse. Tous les ans, elles allaient faire une
journée de "retraite" à Colomiers et on les revoit, car le souvenir
est resté, sur leur "carriole" allant au trot de leur vieux cheval.
Une des soeurs était originaire de Pau et souvent on l'entendait dans tout le
hameau chanter en patois "beau ciel de Pau !"
Ces religieuses exercèrent leurs oeuvres
durant une trentaine d'années à la satisfaction de tous jusqu'au moment des
décrets de 1903.
Au mois d'Octobre de cette année, la
directrice et une de ses compagnes firent le nécessaire pour se conformer aux
décrets et y continuèrent leurs oeuvres.
Mais, quelques années plus tard, cette
directrice tomba malade.
N'ayant personne pour la remplacer, les
responsables de la congrégation abandonnèrent les postes.
La famille Tournier reprit la maison et
l'héritier de Mademoiselle de Vaillac la vendit.
La deuxième école à l'usage des garçons,
sera installée en 1875 au hameau de Beillard, dans une maison acquise au Sieur
Claverie par Mademoiselle Bathilde Tournier de Vaillac.
Nous avons examiné précédemment au sujet de
l'école publique et laïque, les circonstances et les enjeux qui ont abouti à
l'installation de cette deuxième école congréganiste.
Nous rappellerons seulement que Mademoiselle
Bathilde fera donation de l'école à la paroisse par acte notarié en date de
17 Mai 1875 et qu'elle s'engagera à rétribuer les frères Saint-Jean Baptiste
de la Salle qui y donneront l'instruction.
Le Conseil de Fabrique de la paroisse
acceptera et l'école ouvrira ses portes en début d'année scolaire 1875-1876.
On a conservé la mémoire de ces frères qui
étaient trois.
Deux d'entre eux s'occupaient de
l'enseignement, mais le plus connu fut le troisième qui était cuisinier.
En effet, il passait souvent chez certains
habitants pour le ravitaillement achetant du beurre, du lait, etc...
Un de ces trois frères se distingua
particulièrement par son talent de peintre. II était même réputé et on
conserve de lui, un superbe portrait de Pie IX qui orne la sacristie.Ce tableau
porte la signature de "Frère Labérius" Rome 1870.
Malgré tout, la présence de trois écoles
publique et congréganiste n'était pas sans contraintes et témoigne d'une
époque troublée. Dans cette paroisse de 480 habitants, les parents devaient
choisir pour leurs enfants telle école plutôt qu'une autre. Un choix imposé
par leur situation professionnelle, ou leurs relations envers le château ou les
riches propriétaires qui ne manquaient pas de faire pression pour imposer leurs
préférences.
Mais comme nous l'avons vu, de 1881 à 1882,
paraissaient les lois de Jules Ferry qui instituaient progressivement les
écoles gratuites, obligatoires et enfin laïques.
Ensuite, les décrets successifs de 1905 qui
réalisaient la séparation de l'église et de l'Etat notamment en matière
d'enseignement. Tout ceci provoquera la fermeture définitive des écoles
congréganistes de Larra.
Nées de la détermination de Mademoiselle
Bathilde Tournier de Vaillac, une femme qui possédait une personnalité très
forte, les deux écoles ne devront peut-être en réalité leur fermeture que
suite au décès de celle-ci.
On peut penser en effet que celle-ci n'aurait
pas accepté de voir disparaître ces établissements pour lesquels elle avait
tant donné de forces et de convictions ! Avec sa salle de classe unique, seule
subsistera alors, durant une cinquantaine d'années encore, la petite école
publique et laïque.
En effet, elle fermera ses portes à son tour
après 1955, suite à la création de la commune de Larra.
A cette époque sa classe unique ne répondait
plus aux besoins des Larrassiens car il avait fallu ouvrir une classe
supplémentaire qui sera installée provisoirement dans l'ancienne école
congréganiste d'Emmenot (actuel logis de la famille Sirven).
Un projet de groupe scolaire moderne verra le
jour et cette nouvelle école à deux classes et deux appartements pour les
enseignants ouvrira ses portes pour l'année scolaire 1957/1958.
Ainsi l'ancienne école deviendra la Mairie du
village. Le groupe scolaire sera inauguré le dimanche 2 Septembre 1957 et les
premiers enseignants en seront Mme et M. Solères.
Ceux-ci enseigneront à Larra jusqu'en 1960 en
assurant à eux deux les sections enfantine, cours préparatoire, et cours
élémentaire 1ère année pour Mme Solères et les cours moyen lère
année, 2ème année et fin d'études lère et 2ème
pour Jean-Marie Solères.
Des classes à multiples niveaux et qui sont
le parfait reflet de ces petites écoles de campagne d'alors...